BG
Oh lala, j'vais t'faire un voyage dans l'temps. Imagine-toi une époque où j'avais treize ans. Voui j'ai eu moins et plus. Alors t'écoute ou quoi ? Donc à c't'époque là, j'allais commencé ma septième, ben ouais, nous on commence à un et les numéros se suivent bien plus simple, on m'avait changé de collège parce qu'j'étais un peu turbulent qui disaient, alors qu'si y z'avaient eu du langage, y z'auraient dit qu'ch'foutais la merde. Comme j'étais d'la bonne année, j'étais le p'tit, rien à voir avec l'Seb, les autres étaient d'la mauvaise année, ou avaient redoublé, ce qui pouvait fait deux ans d'écart, voire trois.
On nous avait foutu dans la classe à BG. Pardon, Monsieur l'Instituteur Bertrand Grandjean. Mais tout l'monde l'appelait BG et j'en avais entendu parler dans l'autre collège, il avait la renommée de casseurs de durs et d'fouteurs de merde. Or, BG était un petit monsieur aux cheveux blancs et rares, il devait mesurer un mètre cinquante tout juste.
Premier matin, les gnères on s'fout à chahuter. En fin d'mat BG déclara qu'l'aprême s'passerait à faire d'la gym. Quatorze heures on est rechangé dans la salle. BG arrive et demande vous deux aller m'chercher les barres parallèles.
Et vous quatre, quatre tapis d'sol. Pendant l'temps qu'on mettait en place l'agrès, BG se rechangeait dans son vestiaire. Il revint habillé d'un marcel blanc et d'un pantalon fuseau également blanc. Il se mit aux barres parallèles et fit des exercices d'échauffement. Comme un gymnaste, parce qu'il avait été gymnaste de compète.
Putain, on avait la bave sur les savates, on l'admirait. Fait moi confiance que l'année c'est passée avec des Oui M'sieur, Bien M'sieur et qu'on n'en mouftait pas une.
Hors un jour, le dirlo entra dans la classe au p'tit matin et nous annonça que BG était malade qu'il nous fallait faire pour la nième fois un putain truc, qu'il laissait la porte ouverte et que lui enseignait dans la classe voisine, alors qu'le premier qui f'sait l'con verrait les heures de retenue voler.
L'aprême, arriva le remplaçant. Comme un seul homme on se leva. Pétard, jamais vu ça. Une gravure des années dix-neuf cents.
Costard noir trois pièces, montre à gousset, mais comme on était en été, il était coiffé d'un canotier. Comme la photo de Grand-papa. Bonjour Messieurs, je remplace votre instituteur malade, je m'appelle Monsieur Liniger. Bonjour M'sieur Liniger, répondîmes-nous d'une seule voix. Bon puisque vous êtes debout, on va chanter l'hymne national. Comme un seul homme, toujours, on plonge sous nos pupitres pour en ressortir le petit livret de chants patriotiques. Quoi ? Brama-t-il. Vous ne le savez pas par coeur ? Alors prenez-les ces p'tits livrets et on chante les strophes une à trois. Il sort un diapason et donne le la, là on l'a eu le la, et dans l'baba.
Bien, assis ! Ordonna-t-il, pour demain pas de devoirs, mais vous allez apprendre les cinq strophes par coeur de l'hymne national. Contrôle demain matin. Et tous les matins, et tous les aprême, on en poussait une avant d'commencer la leçon.
Ben pétard on avait des éducateurs qu'étaient des éducateurs, pas des glandouilleurs comme maintenant, pas des mecs aux cheveux hirsutes et gras, des fringues ni propres ni sales. Enfin tout sauf des exemples. Beau souvenir tout d'même.